Revue de presse / tribune

« Au nom de la décence publique, le rappeur Médine ne doit pas chanter au Bataclan ! » (collectif, Le Figaro, 13 juin 18)

13 juin 2018

"L’annonce de la programmation du rappeur Médine au Bataclan les 19 et 20 octobre prochains a suscité une vague puissante d’indignation, notamment sur les réseaux sociaux.

Comme nombre de Français, les auteurs de ce texte ont commencé par douter de cette information qui paraissait trop extravagante pour être vraie. Le télescopage des symboles était si violent, la provocation si manifeste que cette programmation ressemblait fort à une « fausse nouvelle » forgée par quelques officines identitaires pour dresser les Français les uns contre les autres.

Comment imaginer que les propriétaires de cette salle dans laquelle quatre-vingt-dix personnes ont été massacrées et plusieurs centaines d’autres blessées par des djihadistes aient pu inviter un rappeur dont l’un des albums s’intitule Jihad et qui arbore fièrement un tee-shirt barré d’un sabre ?

Certes, depuis que la polémique a éclaté, le rappeur et ses soutiens se sont empressés de préciser que le jihad de Médine était purement intérieur et psychologique ; le chanteur a relativisé ses rimes les plus agressives (qui se proposent de "mettre des fatwas sur la tête des cons", d’appliquer la charia aux voleurs afin qu’ils ne puissent déposer de mains courantes, de crucifier les laïcards ou peindre Marianne en « femen tatouée Fuck God sur les mamelles »), en se proclamant ennemi du terrorisme.

Mais les images de Médine effectuant la tristement célèbre "quenelle" ont refait surface. Le militantisme local du chanteur havrais témoignant de sa sympathie pour le groupuscule racialiste les indigènes de la République ou pour le mouvement islamiste Frères musulmans est absolument impossible à nier.

Que le rappeur Médine ignore la portée de ses mauvais jeux de mots sur une partie de la jeunesse travaillée par le communautarisme et l’islamisme ou qu’il soit adepte de la taqiya (l’art islamique de la dissimulation tactique) n’a guère d’importance.

Le laisser se produire au Bataclan relève de la profanation.

Que l’on défende sincèrement la liberté artistique ou que l’on espère miner la République de l’intérieur, qu’importe. Laisser Médine rapper au Bataclan constitue une provocation pure et simple.

Depuis Athènes, les morts de la cité sont sacrés. Les victimes du 13 novembre 2015 ne sont pas tombées les armes à la main, mais elles ont été massacrées par nos ennemis parce qu’elles étaient les symboles de notre mode de vie et de nos libertés.

En ce sens, le respect de leur mémoire concerne tous les Français, quelles que soient leurs origines, leurs confessions ou leur sensibilité politique. Et de fait, il suffit de tendre l’oreille pour comprendre que l’idée de Médine se produisant dans cette salle à tout jamais associée dans la mémoire collective à un massacre épouvantable perpétré par des terroristes islamistes révulse l’immense majorité d’entre eux, et pas seulement la droite et l’extrême droite comme une partie de la presse l’a laissé entendre.

Pour que les citoyens d’une République vivent en bonne intelligence sur son territoire, il n’est pas nécessaire qu’ils prient les mêmes dieux ou qu’ils partagent les mêmes opinions, mais ils doivent impérativement regarder la défense de leur patrie et des principes qu’elle incarne (liberté, égalité, fraternité et laïcité) comme une cause sacrée. Sacrée, c’est-à-dire, justifiant qu’elle soit défendue les armes à la main, au péril de sa vie.

En temps de paix, cette dimension métaphysique du pacte social est invisible ; mais lorsqu’un peuple est attaqué, la réalité existentielle du lien patriotique ou civique redevient palpable.

Ce qui fait qu’au-delà de nos différences, nous sommes tous français, c’est que les morts de Verdun, d’Oradour ou du Bataclan sont nos morts. Porter atteinte à leur mémoire, la profaner, c’est prendre le risque insensé de desceller la pierre de touche du pacte social.

Ce respect du sacré civique forme la condition sine qua non de la préservation de ce que l’on appelle, depuis les anciens, la concorde. Ce que la novlangue politique contemporaine a rebaptisé « vivre ensemble ».

Nos dirigeants seraient bien inspirés de ne pas interpréter le calme des Français après les différentes vagues d’attentats comme des marques de lâcheté ou d’indifférence. Cette retenue, signe admirable de civilisation, ne signifie pas du tout qu’une immense colère, d’autant plus redoutable qu’elle est sourde, n’existe pas au sein de la population. Si les Français se sont jusqu’ici, fort heureusement, gardés de s’en prendre aux complices de la barbarie qui les avaient frappés, c’est parce qu’ils font crédit à l’Etat de protéger l’ordre public mais aussi l’ordre symbolique.

Au-delà du respect des lois, il appartient à nos autorités de défendre la décence publique.

Jean-Claude Barreau, Georges Bensoussan, Guillaume Bigot, Thomas Bousquet, Pascal Bruckner, David Brunat, Brice Couturier, Franck Dedieu, Ambroise de Ramcourt, Eric Delbecque, Alexandre del Valle, Henri Guaino, Joachim Imad, Mohamed Louizi, Eric Marquis, Jean-Robert Pitte, Philippe Raynaud, Boualem Sansal, Pierre-André Taguieff, Jacques Tarnero, Michèle Tribalat et Caroline Valentin."

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