Revue de presse

A. Marcq : "Le muezzin et les cloches" (causeur.fr , 8 av. 20)

Aurélien Marq, polytechnicien et haut fonctionnaire chargé de questions de sécurité intérieure. 8 avril 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Alors que des mosquées profitent de la crise sanitaire pour faire sournoisement retentir l’adhan, l’appel à la prière du muezzin, il est important de rappeler en quoi cet appel est problématique, et pourquoi il ne peut pas être mis sur le même plan que les cloches des églises.

Depuis quelques jours, de plus en plus de mosquées en France prennent prétexte de la pandémie de Covid-19 pour faire retentir l’adhan, l’appel à la prière du muezzin. Et non, contrairement à ce que d’autres ont prétendu, ce n’est pas une fake news. Et non, malgré le discours officiel, ce n’est pas un « geste de solidarité et de soutien ». Oui, c’est une démonstration de force, une manière de prendre possession d’un territoire, et plus encore d’un espace symbolique. Oui, c’est une provocation.

L’affaire semble avoir commencé à Lyon. Pour le 25 mars, fête de l’Annonciation, l’Église catholique a appelé à faire sonner les cloches des églises de France à 20h pour participer aux manifestations de soutien et de gratitude envers les soignants. La Grande Mosquée de Lyon a alors décidé de lancer du haut de son minaret l’appel à la prière du soir, son recteur Kamel Kabtane déclarant sur Twitter : « Ce soir à 19h00, la Grande Mosquée de Lyon s’illuminera et l’appel à la prière du Maghreb sera dite du haut de son minaret pour soutenir ces hommes et ces femmes des services publics et des hôpitaux, qui depuis le début en dépit de la gravité luttent avec courage et abnégation. » Comme je l’avais écrit sur le même réseau un peu après : « Je vous crois sincère, mais je suis un de ces agents du service public et je suis aussi ce que votre livre saint nomme un « associateur » et appelle à tuer. Vous voudrez bien ne pas prétendre que faire la promotion d’une idéologie qui veut ma mort a pour but de me soutenir. » Depuis, les cas similaires se multiplient, comme dimanche à Bischwiller, situation que l’Alsacien que je suis connaît bien.

Certains, par exemple et sans surprise Libération, se sont fait une joie de pointer une erreur de détail dans la lettre ouverte que Marine Le Pen a envoyée sur ce sujet à Christophe Castaner pour laisser entendre que rien ne se passerait, et que l’objet de cette lettre ne serait qu’un « appel à la prière islamique fictif ». Le président du CFCM, lui, s’est empressé de dénoncer « une campagne politico-politicienne aussi absurde qu’incompréhensible contre les musulmans de France ». Rappelons donc que tous les musulmans de France n’approuvent pas ces appels à la prière ostentatoires, et rappelons aussi que le CFCM n’a toujours pas jugé bon de relever de ses fonctions son délégué général Abdallah Zekri, qui considère que Mila « l’a bien cherché ».

Car on est loin ici d’une « absurde polémique politico-politicienne », pour la simple raison que l’on est loin, très loin, d’un authentique geste « de solidarité et de soutien ». Il y a évidemment des musulmans parmi ceux qui luttent contre la pandémie, parmi ceux qui en souffrent, parmi ceux qui en meurent. Mais il y a aussi beaucoup de non-musulmans. Or, l’adhan n’est pas juste une chanson exotique au doux parfum d’Orient. C’est un texte lourd de sens, dans lequel on entend notamment « Allahu akbar », « Allah est le plus grand » et « Lâ ilâha illa Llâh », « j’atteste qu’il n’y a de dieu qu’Allah ».

On peut le déplorer, y voir une récupération honteuse, il n’en demeure pas moins que « Allahu akbar » est devenu le cri de ralliement des jihadistes, comme il était jadis celui des armées conquérantes de l’islam. Samedi dernier, c’est ce cri qui a accompagné l’assassinat de deux de nos concitoyens au nom de l’islam, à Romans-sur-Isère. Le 10 novembre, c’est ce cri qui rythmait la manifestation de la honte « contre l’islamophobie », en réalité marche de soutien à l’emprise et aux ambitions de l’islam théocratique.

Quand à « Lâ ilâha illa Llâh », symbole de l’insistance islamique sur l’unicité divine, c’est par essence la négation de toute religion en dehors de l’islam. Et faire entendre le plus fort possible « il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah » ne saurait en aucun cas être un « geste de solidarité et de soutien » envers les croyants des autres religions, et plus généralement les non-musulmans, y compris les agnostiques et les athées.

Couplées, ces deux phrases « Allah est le plus grand » et « il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah » sont, pour reprendre la belle formule d’un ami, l’affirmation d’une primauté tout autant qu’un anathème. Personne j’espère n’oserait prétendre que diffuser par hauts-parleurs « Jésus est le seul vrai dieu, et vive les croisades ! » serait un « geste de solidarité et de soutien » envers nos concitoyens musulmans confrontés à l’épidémie, or ce serait ni plus ni moins que l’équivalent de l’adhan.

Je redis encore l’évidence : l’adhan est l’appel à la prière d’une religion qui certes ne se résume pas à ce qu’elle a de pire, mais dont il faut se souvenir qu’aujourd’hui même, dans 13 pays du monde – ce qui est beaucoup trop pour ne pas être signifiant – elle condamne à mort les apostats, les athées, les polythéistes, les blasphémateurs, et qu’en bien plus d’endroits encore elle menace et persécute les homosexuels. Et l’appel à la prière d’une telle religion n’a rien d’un « geste de solidarité et de soutien » envers les apostats, les athées, les polythéistes, les amoureux de la liberté d’expression et les homosexuels qui, eux aussi, luttent chaque jour contre la pandémie pour le bien de tous, qui en souffrent, qui en meurent.

Oui, ces adhan qui retentissent – de surcroît et ne l’oublions pas dans une langue étrangère – sont des démonstrations de force, des provocations, des tentatives d’occuper un territoire : occupation sonore, physique, et plus encore symbolique, ce qui est d’une importance cruciale et trop souvent négligée. N’en déplaise aux lâches qui préféreraient ne rien voir, alors que ce n’est qu’une étape, et que laisser faire aujourd’hui revient à encourager encore plus de revendications, encore plus d’ostentation, encore plus de prosélytisme demain. N’en déplaise aux irresponsables, aux hypocrites, et aux complices plus ou moins lucides de l’islam théocratique. […]"

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